Pourquoi les passoires carbone seront les stranded assets de demain ?

L’immobilier est en pleine mutation sous l’effet des nouvelles réglementations et des attentes croissantes des investisseurs en matière de performance environnementale. Si les passoires énergétiques sont déjà dans le viseur des pouvoirs publics, une nouvelle catégorie d’actifs à risque émerge : les passoires carbone.

Ces bâtiments, dont l’empreinte carbone globale est trop élevée, risquent de devenir les stranded assets de demain. Contrairement aux passoires énergétiques, qui sont identifiées à travers leur consommation d’énergie, les passoires carbone intègrent une donnée encore sous-estimée : le carbone embarqué des matériaux et des travaux (Scope 3).

Alors que les régulations s’intensifient et que les exigences ESG se durcissent, la prise en compte du Scope 3 devient un enjeu stratégique pour éviter la dévalorisation des actifs immobiliers.

1. Passoires énergétiques et passoires carbone : quelles différences ?

Une première vague de règlementation sur l’énergie

Depuis plusieurs années, la lutte contre les passoires énergétiques s’est intensifiée avec des réglementations de plus en plus strictes :

  • En France, la loi Climat & Résilience interdit progressivement la location des logements les plus énergivores (DPE G et F).
  • En Europe, la taxonomie verte impose des seuils de performance énergétique pour qu’un actif soit considéré comme durable.
  • Les investisseurs privilégient désormais les actifs bénéficiant de certifications environnementales (HQE, BBCA, BREEAM).

Ces réglementations ont poussé les propriétaires à améliorer la performance énergétique de leurs bâtiments en optimisant les consommations de chauffage, de climatisation et d’éclairage.

Une nouvelle menace : le carbone embarqué et le Scope 3

Mais une nouvelle catégorie d’actifs à risque est en train d’émerger : les passoires carbone. Contrairement aux passoires énergétiques, elles ne sont pas définies par leur consommation en exploitation, mais par l’empreinte carbone de leur construction, de leurs rénovations et de leur fin de vie.

Le problème vient du fait que les bâtiments sont de plus en plus performants en exploitation, mais que leurs émissions liées aux matériaux et aux travaux restent massives. Or, le Scope 3 – qui inclut ces émissions – représente jusqu’à 90 % de l’empreinte carbone d’un gestionnaire d’actifs.

Un bâtiment neuf ultra-performant en énergie, mais construit avec des matériaux à forte empreinte carbone (béton, acier, verre), peut donc être moins vertueux qu’un bâtiment existant bien rénové avec des matériaux réemployés, réemployables, recyclables ou biosourcés.

2. Pourquoi les passoires carbone risquent de devenir des stranded assets ?

Une réglementation qui évolue vers la prise en compte du Scope 3

Les premières réglementations sur le carbone embarqué sont déjà en place et vont progressivement s’étendre :

  • Le label BBCA (Bâtiment Bas Carbone) impose une limitation des émissions liées aux matériaux.
  • La RE2020 en France intègre désormais le carbone embarqué dans l’évaluation des nouveaux bâtiments.
  • Les investisseurs et financeurs demandent des analyses du cycle de vie (LCA) pour mesurer l’empreinte carbone globale des actifs.

Ces évolutions montrent que la question du carbone incorporé devient un critère décisif dans l’évaluation des performances ESG des bâtiments.

Une demande croissante pour des bâtiments bas-carbone

Les grandes entreprises cherchent à réduire leur empreinte carbone globale, y compris celle de leur immobilier.

  • Les locataires privilégient les bâtiments alignés avec leurs engagements RSE.
  • Les investisseurs excluent de plus en plus les actifs à forte empreinte carbone de leurs portefeuilles.
  • Les labels environnementaux et la taxonomie verte deviennent des critères incontournables pour attirer des financements.

Un bâtiment avec une forte empreinte carbone intégrée, qui n’offre aucun levier de réduction des émissions, risque ainsi d’être perçu comme un actif échoué, difficile à louer ou à revendre.

Un coût de rénovation qui peut devenir un fardeau

Si un bâtiment nécessite des rénovations lourdes et coûteuses pour réduire son empreinte carbone, il peut perdre de la valeur et devenir un fardeau économique pour son propriétaire.

  • Les matériaux bas-carbone peuvent être plus coûteux s’ils ne sont pas anticipés en amont.
  • Les futures règlementations pourraient exiger des seuils d’émission que certains bâtiments ne pourront jamais atteindre sans transformation complète.
  • Les investisseurs pourraient appliquer un “brown discount” aux actifs trop carbonés, les rendant inéligibles aux financements attractifs.

3. Comment éviter qu’un actif devienne une passoire carbone ?

1. Évaluer et modéliser le Scope 3 de chaque actif

L’un des principaux défis est l’absence de données précises sur le carbone embarqué des bâtiments existants.

  • Il est essentiel d’analyser l’empreinte carbone des matériaux et des travaux passés.
  • Les gestionnaires doivent intégrer le carbone incorporé dans leurs décisions de rénovation et d’acquisition.
  • Des outils de modélisation permettent de cartographier le Scope 3 d’un patrimoine immobilier et d’anticiper son évolution.

2. Intégrer le réemploi et les matériaux bas-carbone

L’un des leviers majeurs pour éviter qu’un actif ne devienne une passoire carbone est de limiter l’achat de nouveaux matériaux.

  • Intégrer le réemploi des matériaux dès la conception d’un projet.
  • Privilégier les matériaux biosourcés et bas-carbone (bois, isolants naturels, béton bas-carbone).
  • Optimiser la gestion des déchets et favoriser une économie circulaire dans les travaux de rénovation.

3. Anticiper les futures réglementations et attentes des investisseurs

Les propriétaires et asset managers doivent anticiper les évolutions réglementaires pour éviter de se retrouver avec des actifs obsolètes :

  • Intégrer des analyses du cycle de vie (LCA) dans les études d’investissement.
  • S’aligner avec les critères des labels environnementaux qui prennent en compte le carbone embarqué.
  • Optimiser les décisions d’arbitrage en tenant compte des seuils d’émissions qui seront imposés dans les années à venir.

Conclusion : la transition vers un immobilier bas-carbone passe par le Scope 3

Les passoires carbone sont les futurs stranded assets. L’évolution des réglementations et des attentes du marché impose aux gestionnaires d’actifs de prendre en compte le Scope 3 dès aujourd’hui pour éviter des coûts futurs élevés et préserver la valeur de leur patrimoine.

L’intégration du Scope 3 permet :

  • D’anticiper les risques de dévalorisation et d’optimiser la gestion des actifs.
  • De structurer une trajectoire carbone compatible avec les exigences ESG.
  • D’accéder plus facilement aux financements et aux investisseurs engagés dans la transition bas-carbone.

Les gestionnaires qui ne prennent pas en compte cette transition risquent de voir certains de leurs actifs perdre en attractivité et en rentabilité. La transformation est en marche, et l’anticipation est la clé pour éviter que des bâtiments ne deviennent les stranded assets de demain.

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